Contre vents et marées, le Sherbrooke & Folk a maintenu une programmation pendant la pandémie au grand bonheur des participants. Mais cette année était la première édition post-restrictions et on sentait la ferveur de la foule.
Une belle programmation, sur diverses scènes de Sherbrooke, a été offerte au public amateur de musique : Tash Sultana, Tommy Emmanuel (qui est probablement le meilleur guitariste au monde présentement), Steve Hill, The Beaches et bien d’autres. Évidemment, une place d’honneur a également été offerte aux artistes francophones; du Québec Redneck Bluegrass Project (QRBP) à Daniel Bélanger, il y en avait vraiment pour tous les goûts. C’est d’ailleurs sur ces deux soirées que portera mon compte-rendu.
À la fois très différentes et singulièrement cohérentes, à elles deux, la soirée du jeudi, avec Pépé et sa guitare et le QRBP, et la soirée de clôture, avec Beyries et Daniel Bélanger, représentaient une très grande partie du Québec : l’humour déjanté et un brin vulgaire de Pépé, les sons du terroir et l’ambiance de fête du QRBP, le folk planant et atmosphérique de Beyries, ainsi que le rock entraînant, urbain, et les mots stupétrissants de Daniel Bélanger.
Le jeudi soir, une bonne foule s’était déjà ramassée près de la scène lorsque Pépé et sa guitare (et ses deux musiciens) a fait son apparition. Avec des chansons comme Bobette Bob, Un café, un bat et Déjeuner santé, on sait parfaitement à quelle enseigne se loge Pépé : l’humour gras, parfois (bon ok, souvent) vulgaire et les rythmes entraînants. À peu près tout le monde chantait en cœur avec Pépé et je soupçonne que pour les autres, Pépé est un plaisir coupable ou va le devenir après cette soirée. Il était l’entrée en matière parfaite pour les vedettes de la soirée.
Le party démarre dès que le Québec Redneck Bluegrass Project foule les planches. Radio bingo, Me d’mandais ma blonde et Mange-moé l’pad ont donné le ton au reste de la soirée : Jean-Philippe Tremblay chante la bouche pleine de mots, des mots qui s’entremêlent pour former des histoires du quotidien, avec parfois un fond de moral, qui dépeignent la réalité d’énormément de gens, et cela, avec une petite teinte d’humour. Le violon de Madeleine Bouchard, tout juste assez acrobatique, virevolte allègrement comme une hirondelle qui chasse les taons de l’Abitibi. Nicolas Laflamme principalement avec sa mandoline aux mélodies perçantes, anime son côté de la scène et s’amuse avec son comparse François Gaudreault, dompteur de contrebasse. C’est un décor minimaliste et éloquent qui orne la scène : une motoneige, un panache d’orignal et une corde à linge; à la fois simple et tellement représentatif du quotidien.
La soirée finale du festival était consacrée à Daniel Bélanger, avec Beyries en première partie. Beyries, entourée de ses musiciens, a offert une prestation planante, tout en nuances. Tantôt à la guitare, tantôt au piano, s’exprime en anglais et en français pour nous partager sa poésie, ses états d’âme. Son dernier album, Encounter, était à l’avant-plan de ce spectacle, qu’elle a d’ailleurs ouvert avec What We Have, Closely et Over Me, les trois premières pièces de l’album. Sa prestation a été fort appréciée, mais l’immense foule qui s’était amassée attendait avec impatience l’arrivée sur scène de la vedette de la soirée.
Daniel Bélanger a fait son entrée sous un tonnerre d’applaudissements. Faisant semblant d’être irrité d’avoir à attendre, il a laissé la foule s’exprimer avant d’entreprendre de jouer une longue liste de ses succès. C’est avec Sortez-moi de moi qu’il a ouvert le spectacle; toute une entrée en la matière! Intouchable et immortel dans son Spoutnik, il nous a présenté ses chansons dans le désordre; de quoi rêver mieux, un peu comme sous l’effet de l’opium. D’ailleurs, son premier album, Les insomniaques s’amusent, fête ses 30 ans cette année. Il a donc puisé dans son catalogue bien garni pour concocter une impressionnante liste de succès.
Il a pris la peine d’avertir la foule qu’en plus de ses chansons, il offrirait de sages paroles dont il faudrait s’abreuver. Un solide pince-sans-rire, Daniel Bélanger a expliqué qu’il terminait à Sherbrooke une longue tournée de deux spectacles qui avait commencé la semaine précédente. Il a commenté et présenté ses chansons en expliquant que « la prochaine serait en français » ou bien que les prochaines chansons seront « ses compositions ».
Il ne faisait pas chaud à Sherbrooke samedi soir, mais la foule dense semblait se moquer des caprices de Dame nature, appréciant chaque minute de la prestation. Chaque chanson attirait des cris de joie; tous avaient leur propre chanson favorite. Les gens chantaient à tue-tête, un grand sourire dans le visage. Visiblement, c’est un spectacle qui a fait du bien à l’âme.
L’édition 2022 de Sherblues & Folk sera gravée dans la mémoire de beaucoup de gens, y compris dans la mienne. Alors que je quittais les lieux après le dernier spectacle, je naviguais entre faire durer le plaisir du spectacle auquel je venais d’assister et avoir hâte à l’édition 2023. À l’année prochaine!